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C’est au mois d’août que je reçois une lettre de ma petite sœur m’invitant à aller chez elle. Je ne l’ai pas vue depuis dix ans : quand elle s’est mariée, j’étais en France. Je redoute la chaleur sur la route et la perspective d’un départ ne me ravit pas. Mais ce qui m’attire beaucoup, c’est que là-bas c’est le pays des singes dont on m’a si souvent parlé. Et ma curiosité décide de mon départ. Ma sœur habite un village à 50 kilomètres de ma famille, chez qui je suis. Pour aller chez elle, ni route, ni fleuve, seulement un sentier où passent les palanquins.

Pour m’engager à venir, ma sœur, prudente, m’envoie en même temps une seconde lettre et des porteurs avec un palanquin.

Le palanquin d’été se compose d’une espèce de fauteuil en paille porté par deux grosses tiges de bambou de 3 mètres environ et, au-dessus de fauteuil, on a étendu une toile pour protéger du soleil.

Nous partons de bonne heure pour jouir de la fraîcheur. Il fait encore nuit lorsque nous sortons de la ville. Les rayons de l’aube jaillissent à l’est en une vive couleur. On entend partout chanter les coqs. On sent l’odeur des fermes. Nous traversons les rizières où on entend des bruits d’eau : ce sont des grenouilles qui s’enfuient. Leurs cris se mêlent aux chants des oiseaux pour troubler le silence de la nature. Quand vient le matin, on voit les paysans travailler aux rizières. L’eau leur monte jusqu’aux genoux, ils se courbent pour arracher les mauvaises herbes. Sur le sentier de la colline, nous rencontrons le bouvier conduisant son buffle ; assis sur son dos, il joue de la flûte.

Je songe que, depuis plus de trois mois que je suis arrivé dans ma famille, je n’ai pas touché mes pinceaux ; maintenant m’attire cette image qui passe devant mes yeux. Un désir violent me prend d’arrêter mon voyage pour peindre ce paysage. Malheureusement, je n’ai aucun matériel sur moi.

Vers dix heures, nous nous arrêtons pour déjeuner et nous partons aussitôt après le repas pour gagner du temps — vers deux heures, le soleil est plus ardent que jamais. Je suis étouffé par la chaleur. Sur mon front la sueur coule sans cesse. Cette chaleur humide et lourde est insupportable et je me repens de ce voyage. Je me retourne nerveusement dans mon palanquin pour essayer de me calmer. Mais le porteur retourne la tête pour me faire signe de ne pas bouger, car cela dérange l’équilibre. Je remarque ainsi que le porteur a beaucoup de peine à marcher sous le soleil ardent, son épaule est complètement à vif sous le poids de la lourde charge ; il transpire comme une éponge imbibée d’eau. Pauvre diable ! Pourquoi fait-il ce métier ? Et je me pose cette question : est-il inférieur à moi ? Non, quant à la qualité il n’y a aucune différence entre nous. Je me dis : toi, tu as eu la chance de naître dans une famille riche, sinon tu serais condamné au même sort que les porteurs. Je tressaille à cette idée ; ma fatigue subitement disparaît et je ne sens plus la chaleur. Je pense seulement que je suis heureux de ne pas être un porteur. À cette pensée, je descends pour laisser le palanquin vide. Je marche derrière, sur la route. Au bout de quelque temps, les porteurs me prient : « Mon grand seigneur, vous devez remonter, la marche va vous fatiguer. » Quand j’entends cette phrase respectueuse, ma conscience se trouble. J’ai honte moi-même de mon inhumanité. Je suis jeune, je ne suis pas malade, je suis fort comme eux. Et eux me respectent, ils donnent leurs forces pour me porter — parce qu’ils sont pauvres... Pourtant, on les paie si peu. Je leur réponds : « Je suis bien, je ne suis pas fatigué. » Et je me disais : cela devrait être leur tour de monter. Une heure après, ils insistent. Je me sentais alors fatigué et forcé de remonter. Le bon cœur ne pouvait vaincre l’égoïsme. Aussitôt, je tombe dans le sommeil ; puis le bruit de la foule m’éveille dans un village que nous traversons rapidement pour retrouver ensuite la campagne. Quelle adorable scène frappe alors mes regards ! Des milliers de jeunes canards traversent les rizières. Ils fouillent pour chercher leur nourriture. Dans les rizières, ils trouvent des poissons, des insectes et, surtout, de petites grenouilles. Pour les conduire, il suffit d’un homme avec une tige de bambou. Il les suit du matin au soir sans se presser.

Quand nous arrivons, le soleil oblique vers l’ouest. Nous entrons par la porte principale. Justement, ma sœur est assise dans un fauteuil pour prendre avec sa servante le frais dans la véranda.

Quand ma sœur m’aperçoit, je saute à terre ; la figure riante de ma sœur ruisselle de larmes. Elle me dit : « Mon sixième frère, sois le bienvenu. Tu as dû avoir chaud sur la route ! » Ensuite elle s’informe de la santé des membres de ma famille, du plus vieux au plus jeune.

Ma sœur a beaucoup changé. Elle n’a plus sa fine taille d’autrefois. Elle m’invite à m’asseoir en face d’elle et me présente sa servante préférée. C’est une jeune fille, âgée d’environ seize ans, mince, de teint très foncé : elle ressemble à une négresse. Un silence se fait pendant que les serviteurs nous servent le thé. Ils m’apportent une serviette mouillée et chaude pour m’essuyer la figure, arrêter la transpiration et me rafraîchir.

Ma sœur me demande si je n’ai pas à l’étranger le mal du pays.

Puis elle sourit avant de parler :

—Comment va ma sixième belle-sœur ? Pourquoi ne l’as-tu pas amenée ?

—Je ne suis pas marié, ni fiancé non plus.

—Mais on m’avait dit que tu ne voulais pas qu’on le sache, à cause de notre grand frère. J’imagine qu’elle peut être belle, car tu es un artiste qui sait choisir. Sans doute sa chevelure est comme la soie naturelle, ses yeux, bleus comme l’azur ; sa petite bouche, rouge comme la cerise ; ses sourcils, comme la nouvelle lune. Quand j’ai vu en couleur l’image d’une jeune fille d’Occident, j’ai pensé que ma sixième belle-sœur lui ressemblait.

—Ma petite sœur, tu es assez taquine mais tu sais que j’ai faim et que je suis ton invité.

—Pardonne-moi, mon sixième frère, je suis distraite.

Et elle fait signe tout de suite aux domestiques de préparer la table.

Après le dîner, fatigué par le voyage, je dis bonsoir à ma sœur, regagne ma chambre et me jette au lit tout de suite.

Je me lève à l’aube. La fenêtre de ma chambre donne sur la rivière. A travers les arbres, mes regards contemplent à l’horizon les quelques points lumineux des barques de pêche. Ils se reflètent dans l’eau et se balancent.

Cela me fait penser à la poésie de Wang-Wei : « Les ormes et les feux des pêcheurs semblent endormis dans le silence de la rivière ».

Je me promène jusqu’au bord de la rivière, jusqu’au bosquet de bambous. Quand je me retourne, apparaissent devant moi toutes les maisons du domaine de ma sœur. Les façades avec leurs cours se dissimulent les unes derrière les autres et s’adossent à la montagne.

Au sommet de la montagne qui tout entière appartient à ma sœur, s’élèvent des fortifications qui servent de refuge en temps de troubles. Pour les visiter, je dois traverser les maisons jusqu’au pied de la montagne. Là, on trouve un chemin particulier par où on peut monter jusqu’au sommet. Mais je m’arrête à mi-chemin pour visiter le cimetière privé de la famille de ma sœur.

À l’intérieur, je trouve une petite sépulture de singe, — il s’appelait Sio-Tchou — et sur la dalle, la date de sa mort. C’est la première fois que je vois inhumer une bête avec les ancêtres.

Par curiosité, je renonce à visiter les fortifications et je descends en courant pour retrouver ma sœur.

Elle est en train de se faire coiffer par sa petite servante.

Quand j’arrive, elle me dit : « Pourquoi as-tu couru ? »

Je lui réponds : « Oh ! Pour rien... »

—As-tu pris le petit déjeuner ?

—Pas encore ; d’ailleurs, je n’ai pas faim.

—Je regrette beaucoup, mais je n’ai pas le moyen de te faire un petit déjeuner à la manière française. On dit que les gens en France prennent un liquide noir très amer en y ajoutant du sucre blanc comme la neige, ceci avec quelques tranches de pain couvertes d’une graisse jaune. Est-ce bon à manger ?

—Oui, ma sœur.

—As-tu bu du lait de vache ?

—Oui, ma sœur.

—Ah ! C’est sale. Veux-tu me montrer tes bras ?

—Mes bras ? Pourquoi ?

—On dit que, quand on boit du lait de vache, il vous pousse des poils comme aux vaches. Est-ce vrai ?

—Mais non, tu vois, je n’ai pas de poils, ni sur les bras ni sur la poitrine.

———

—Dis-moi, ma sœur, qu’est-ce que ce tombeau de singe qui se trouve dans le cimetière de tes ancêtres ?

—Oh ! Ne me demande pas cela, ça me fait de la peine, tu sais.

—Pardonne-moi, ma sœur, mais j’insiste.

—Veux-tu me laisser finir ma coiffure, je te rejoindrai sur la véranda et là je te raconterai.

Une heure après, elle vient me rejoindre sur la véranda avec sa servante. Elle commence à fumer une pipe à l’eau préparée par la servante. Elle ne dit rien. Nous restons dans le silence. Mais je suis impatient et je lui dis :

—Tu oublies que tu as promis de me raconter l’histoire du singe.

—Ah ! Oui, c’est vrai.

Il y a environ deux ans, nous avons acheté un couple de singes pour les garder comme domestiques. Quand les visiteurs arrivaient, ils entraient tout de suite en action : l’un apportait une tasse de thé, l’autre une soucoupe de biscuits.

Les singes, en général, sont très malins, dit-on ; quelquefois, en route, ils prenaient un biscuit en cachette. Nous les habillions de costumes d’enfants. C’était très drôle. Ils étaient beaucoup admirés par nos visiteurs.

En dehors du service de la maison, nous les emmenions dans la montagne pour chercher les oranges. Tu sais que les orangers sont situés dans la montagne, sans chemin accessible pour les gens ; et dans la montagne vivent beaucoup de singes sauvages. D’abord, nous laissions nos singes aller cueillir les oranges pendant qu’en bas nous préparions quelques grandes corbeilles vides peintes de rouge à l’intérieur, car les singes aiment la couleur rouge. Aussitôt, nos singes commençaient à jeter les oranges dans les corbeilles et les singes sauvages montaient sur les orangers pour les imiter. Car les singes aiment à copier les autres. Une heure après, ils avaient rempli toutes les corbeilles. Tu vois, c’est pratique et cela ne coûte rien.

Ils aiment aussi à jouer avec les enfants, comme les enfants. On les met sur le dos des chiens pour les faire courir à cheval comme des jockeys ; nos enfants les adoraient.

Ils étaient très bons aussi comme gardiens. La nuit, quand ils voyaient des inconnus dans la maison, ils attaquaient ou poussaient un cri sauvage pour réveiller le monde.

Un jour, un cousin de mon mari vint passer ses vacances chez nous. Il adorait nos singes, il les emmenait partout, ils étaient tous les trois devenus très bons amis. Quand notre cousin dut partir retrouver sa famille, mon mari lui offrit les singes pour lui faire plaisir.

Par politesse, notre cousin n’accepta pas. Mon mari insista et, à la fin, il prit la femelle par complaisance.

Au bout de quelques jours, on s’aperçut que le singe refusait de prendre son service. Il renversait les biscuits et les tasses de thé pour les visiteurs.

Les jours passaient, il était de plus en plus bizarre. Il désobéissait à tous les ordres, il ne jouait plus avec les enfants. Dans la nuit, on entendait des cris lamentables, les gens réveillés se levaient pensant qu’il y avait des voleurs dans la maison. On fut obligé de le battre pour le corriger et depuis ce jour où il avait reçu des coups, on ne pouvait plus l’approcher. Il était devenu très méchant, même avec les enfants. Il refusait de rester dans la maison, il montait sur le toit, courait, sautait, criait sans cesse ; surtout la nuit il poussait un cri horriblement triste, comme un sanglot humain. Nous pensions qu’il était devenu fou. Quelques jours après on ne le vit plus.

On le chercha sans le retrouver. Un jour, il revint. Le pauvre singe était devenu très maigre, très affaibli, avec un visage tout déformé.

Il était devenu très doux et vint près de moi m’embrasser la jambe.

Je voyais les larmes couler de ses yeux, leur regard fixé sur moi. J’avais l’impression qu’il voulait me demander quelque chose, il avait l’air tellement pitoyable et il me serrait la jambe si fort, à me faire mal. Je le caressai, je lui parlai à mots très doux et toute cette douceur, à la fin, l’endormit.

Je l’emportai sur mes bras. Je me disais : le pauvre Sio-Tchou est bien malade. Tu sais, il n’y a pas de vétérinaire chez nous, même dans les villes.

Je me disais : « Comment fera-t-on pour sauver mon pauvre singe ? Il est si gentil, si intelligent, comme un humain. Sa mort me ferait beaucoup de chagrin. »

Pendant tout ce temps-là, je lui donnais de la nourriture saine comme pour un enfant malade. Pendant deux semaines, je le soignai comme mon propre fils.

Il était redevenu, petit à petit, normal. Puis, un jour, mon cousin revint à la maison. En le voyant, le singe, tout de suite, bondit sur lui d’un mouvement très rapide, chercha quelque chose dans sa robe, le fouilla de haut en bas. Il ne trouva rien, puis se mit à courir autour de mon cousin. Il avait un air désespéré et enfin recula dans un coin. Il sanglotait et tremblait, regardant toujours mon cousin fixement. Il avait un air hébété.

Tout à coup, il sauta de nouveau sur lui, poussa un cri horrible et, de toute sa force, agit de ses quatre pattes et des dents. Mon cousin n’eut même pas le temps de se défendre. Les domestiques les séparèrent et j’ordonnai d’enchaîner Sio-Tchou. Les vêtements de mon cousin étaient en loques et il avait les mains blessées par les morsures du singe.

Quelle horrible scène ! Je demandai pardon à mon cousin de cet incident.

Toute la nuit, nous ne pûmes dormir à cause du cri sauvage du singe et du bruit de sa chaîne. Quand le matin vint, on n’entendait plus rien. Je murmurais sans cesse : « Qu’est-il devenu ? J’ai eu tort de l’enchaîner, j’irai le délivrer. »

Quand j’entrai dans la cour pour le délivrer, il s’enfuit.

Je l’appelai, je le recherchai sans le trouver.

Tout à coup, je reçus un coup terrible sur la tête et je m’évanouis.

Lorsque je revins à moi, j’étais dans mon lit, ma servante en train de pleurer et je lui demandai ce qui s’était passé.

—Maîtresse, le singe vous a blessée en vous lançant une brique.

—Qu’est devenu mon pauvre singe ?

—On l’a tué d’un coup de fusil.

Mon pauvre singe ! Je pleurai, je pleurai comme si j’avais perdu mon fils.

Quand ma sœur raconte cette triste mort, je vois ses yeux pleins de larmes et je lui dis :

—Pardonne-moi, ma sœur, je te fais du chagrin.

—Ce n’est rien... Si tu l’avais connu, tu l’aurais aimé aussi.

—Mais pourquoi n’as-tu pas demandé à ton cousin de rendre l’autre singe ?

—Parce que l’on ne doit pas reprendre ce que l’on a donné.

—Mais je trouve cela ridicule : à cause d’une coutume, on a fait souffrir cette pauvre bête.

—Que veux-tu !... Peut-être as-tu oublié la tradition chinoise ? Tu as vécu trop longtemps à l’étranger.

—Mais dans ce cas, selon la loi de la famille, tu ne dois pas inhumer un singe dans le cimetière de tes ancêtres.

Lorsque je dis ces mots, je blesse ma sœur. Je la vois se lever subitement et partir en courant, les mains jointes et pleurant.

Un instant, je demeure immobile. Puis je cours rejoindre ma sœur.

[Translation]

My Sister and Her Two Monkeys

It was at least August when I received a letter from my little sister inviting me to go to her house. I hadn’t seen her for ten years. When she got married, I was in France. I dread the heat and I do not look forward to the prospect of the trip. But my sister lives in a region where there are a lot of the monkeys that I have heard about so often, and I am tempted to go. In the end, my curiosity took over and I decide to make the trip. My sister lives in a village 50 kilometers from our home. To get to her house, there is neither road nor river, but a path where only palanquins can pass.

To urge me to visit, my sister thoughtfully sends me a second letter and, and at the same time, porters with a palanquin.

The summer palanquin consists of two thick 3-meter-long bamboo poles supporting a type of straw chair, above which is a stretched canvas cover to protect the passenger from the sun.

We leave early in the morning to enjoy the fresh air. It is still dark when we leave the city. Shortly, rays of dawn burst in the east in vivid colors. You can hear the roosters crowing everywhere. We smell the smell of farms. We cross the rice fields where we hear the sounds of water, across which frogs hop and run. Their cries mingle with the songs of the birds to disturb the silence of nature. When morning comes, we see the peasants working in the rice fields. The water is up to their knees, they bend down to pull weeds. On the hill path, we meet a herdsman leading his buffalo. Seated on the back of one, he plays the flute.

For over three months since I arrived home, I have not touched my brushes. Now this scene which passes before my eyes attracts me. I have a violent desire to stop my journey to paint it. Unfortunately, I don’t have any equipment with me.

Around ten o’clock, we stop for lunch and we leave immediately after the meal to save time. At around two o’clock, the sun is hotter than ever. I am suffocated by the heat and the sweat flows incessantly from my forehead. This heavy humidity and heat is unbearable, and I regret making this trip. I nervously turn around in my palanquin to try to calm myself, but the porter turns his head to signal me not to move as it disturbs the balance. I thus notice that he has great difficulty walking under the blazing sun, his shoulder completely raw under the weight of the heavy load. He sweats like a sponge soaked in water. Poor devil! Why does he do this job? And I ask myself this question: Is he inferior to me? No, in fact, there is no difference between us. I say to myself, “You were lucky enough to be born into a rich family, otherwise you would be condemned to the same fate as the porters.” I shudder at this idea. My fatigue suddenly disappears, and I no longer feel the heat. I can only think how happy I am not to be a porter. At this thought, I descend the palanquin and walk behind, on the road. After a while, the porters beg me, “My great lord, you must go back up. The walk will tire you.” When I hear this respectful phrase, my conscience is troubled. I am ashamed of myself. I’m young, I’m not sick, I’m strong like them. And they respect me, they give their strength to carry me, because they are poor… Yet they are paid so little. I reply, “I’m fine, I’m not tired.” And I think to myself that it should be their turn to sit. An hour later, they insist. I then felt tired and was forced to go back into the palanquin. My good intentions cannot overcome my selfishness. Immediately, I fall asleep. A noise from the crowds awakens me and we pass through the village quickly to continue in the countryside. What an adorable scene strikes my gaze! Thousands of young ducks cross the rice fields and forage for food. They find fish, insects and, above all, small frogs. To herd them, the herder needs only a bamboo stick. He follows them from morning to evening without hurrying.

When we arrive, the sun is slanting west. We enter through the main door. As it happens, my sister is sitting in an armchair on the veranda with her maid to cool off.

At the sight of my sister, I descend [from the palanquin]. The laughing face of my sister streams with tears as she exclaims, “My sixth brother, welcome! You must have been hot on the road!” Then she asks about the health of the members of the family, from the oldest to the youngest.

My sister has changed a lot. She no longer has her slender waist of the past. She invites me to sit across from her and introduces me to her favorite maid. She is a young girl, about sixteen years old, slender, of very dark complexion, resembling a negress. There is a silence while the servants serve us tea. They bring me a wet, warm towel to wipe my face, to stop the sweating and to cool me down.

My sister asks me if I am not homesick abroad.

Then she smiles before asking:

“How is my sixth sister-in-law? Why didn’t you bring her?”

“I’m not married or engaged either.”

“But I was told you didn’t want us to know, because of our big brother. I imagine she must be beautiful, because you are an artist who knows how to choose. Doubtless her hair is like natural silk, her eyes blue as azure, her little mouth, red as cherry, her eyebrows, like the new moon. When I saw a color photograph of a young girl from the West, I thought that my sixth sister-in-law must look like her.”

“My little sister, you are quite teasing me, but you know that I am hungry and that I am your guest.”

“Forgive me, my sixth brother, I am distracted.”

And she immediately signals to the servants to prepare the table.

After dinner, tired from the trip, I say goodnight to my sister, go back to my room and go to bed right away.

I get up at dawn. My bedroom window overlooks the river. Through the trees, my gaze contemplates the fishing boats on the horizon, whose lights are reflected in the water and sway.

It reminds me of the poetry of Wang Wei: “The elms and the lights of the fishermen seem asleep in the silence of the river.”

I walk to the bamboo grove at the edge of the river. When I turn around, all the houses of my sister’s property appear in front of me. The facades with their courtyards hide one behind the other and lean against the mountain.

At the top of the mountain, which belongs entirely to my sister, rise structures which serve as shelter in times of trouble. To visit them, I have to cross the houses to the foot of the mountain. There, we find a particular path by which we can climb to the top. But I stop halfway to visit the private cemetery of my sister’s family.

Inside, I find a small monkey grave. His name was Sio-Tchou, and on the stone, the date of his death. This is the first time I have seen an animal buried with the ancestors.

Out of curiosity, I give up visiting the shelters and run down the mountain to find my sister.

She is having her hair done by her little maid.

When I arrive, she says to me, “Why did you run?”

I answer her, “Oh! For nothing… “

“Did you have breakfast?”

“Not yet. I’m not hungry.”

“I’m very sorry, but I don’t have the means to make you a breakfast the French way. People in France are said to take a very bitter black liquid by adding snow-white sugar to it, along with a few slices of bread covered in a yellow fat. Is it good to eat?”

“Yes, my sister.”

“Do you drink cow’s milk?”

“Yes, my sister.”

“Ah! It’s not clean! Do you want to show me your arms?”

“My arms? For what?”

“They say that when you drink cow’s milk, you grow hair like cows. Is it true?”

“No, you see, I have no hair, neither on my arms nor on my chest.”

———

“Tell me, my sister, what is this monkey tomb which is in the cemetery of your ancestors?”

“Oh! Don’t ask me that. It hurts me, you know.”

“Forgive me, my sister, but I insist.”

“Let me finish fixing my hair and I will join you on the veranda. There, I will tell you.”

An hour later, she comes to join me with her maid. She begins to smoke a water pipe prepared by the servant. She says nothing. We remain in silence. But I’m impatient and I tell her:

“You forget that you promised to tell me the story of the monkey.”

“Ah! Yes, it’s true.”

About two years ago we bought a couple of monkeys to keep as housekeepers. When visitors arrived, they immediately sprang into action: one brought a cup of tea, the other a plate of biscuits.

Monkeys, in general, are very clever, it is said. Sometimes, on the way to serving, they take a biscuit on the sly. We dressed them in children’s costumes. It was very cute. They were much admired by our visitors.

Apart from the service of the house, we took them to the mountains to look for oranges. You know that the orange trees are located in the mountains, without an accessible path for people. Many wild monkeys live in the mountains. First, we let our monkeys go and pick the oranges while we prepare some big empty baskets painted red inside, because the monkeys like the color red. Immediately, our monkeys began to collect the oranges into the baskets and the wild monkeys climbed onto the baskets to imitate them, because monkeys like to copy others. An hour later, they had filled all the baskets. You see, it’s convenient and it costs nothing.

They also love to play with children, such as running with them on their backs, like jockeys. Our kids loved them.

They were also very good watchmen. At night, when they see strangers in the house, they would attack or let out a wild cry to wake everybody up.

One day, one of my husband’s cousin came to spend his vacation with us. He adored our monkeys and took them everywhere. The three of them became very good friends. When our cousin had to leave to return to his family, my husband gave him the monkeys as a parting gift.

Out of politeness, our cousin did not accept. My husband insisted and, in the end, he took the female monkey.

After a few days, it was noticed that our monkey refused to perform his service. He spilled the cookies and cups of tea meant for visitors.

The days passed, he became more and more despondent. He disobeyed all orders and no longer played with the children. At night, we heard him crying and lamenting, which woke people up, thinking there were thieves in the house. We had to beat him to correct him and after that day, we could no longer approach him. He had become very naughty, even with the children. He refused to stay in the house, he stayed on the roof, ran, jumped, and shouted incessantly. At night he uttered a horribly sad cry, like a human sob. We thought he had gone mad. A few days later we no longer saw him.

We looked for him to no avail. One day he came back. The poor monkey had become very thin, very weak, and with a completely deformed face.

He had become very gentle and came near me to rub my leg.

I saw the tears flowing from his eyes, their gaze fixed on me. I felt like he wanted to ask me something. He looked so pitiful and he was squeezing my leg so hard, it hurt. I caressed him, I spoke to him in very sweet words and all this tenderness, in the end, put him to sleep.

I carried him in my arms and thought to myself how poor Sio-Tchou is very ill. You know, there is no veterinarians at our place, nor in the nearby towns.

I thought to myself, “How are we going to save my poor monkey? He’s so kind, so smart, like a human. His death would make me very sad.”

All the while, I gave him healthy food like a sick child. For two weeks I cared for him like my own son.

He gradually returned to normal. Then one day my cousin came to visit. Upon seeing him, my monkey jumped on him with a very quick movement, looking for something in his robe. Searching him from top to bottom, he found nothing. He then began to run around my cousin. He looked desperate and finally backed into a corner. He was sobbing and shaking, still staring at my cousin. He looked dazed.

Suddenly he leapt on top of my cousin again, gave a horrible cry, and with all his might attacked him with all four paws and bit him. My cousin didn’t even have time to defend himself. The servants separated them, and I ordered Sio-Tchou to leave. My cousin’s clothes were ragged, and his hands were injured by monkey bites.

What a horrible scene! I apologized to my cousin for this incident.

All night we could not sleep because of the wild cry of my monkey and the rattling of his chains. When morning came, nothing could be heard. I kept whispering, “What happened to him? I was wrong to chain him. I will free him.”

When I entered the yard to rescue him, he fled.

I called out to him and started after him, not finding him.

Suddenly, I received a terrible blow on my head, and I fainted.

When I came to, I was in my bed, a maid crying, and I asked her what had happened.

“Mistress, your monkey hurt you by throwing a brick at you.”

“What happened to my poor monkey?”

“He was shot dead.”

My poor monkey! I cried and cried as if I had lost my son.

When my sister recounts this sad death, I see her eyes full of tears and I say to her:

“Forgive me, my sister, I make you sad.”

“It’s nothing… if you had known him, you would have loved him too.”

“But why didn’t you ask your cousin to return the other monkey?”

“Because we must not take back what we have given.”

“But I find it ridiculous. Because of a custom we made this poor animal suffer.”

“What do you mean!… Perhaps you have forgotten the Chinese tradition? You have lived too long abroad.”

“But in this case, according to family law, you must not bury a monkey in the cemetery of the ancestors.”

When I say these words, I hurt my sister. I see her suddenly get up and run away, her face buried in her hands and crying.

For a moment, I remain motionless. Then I run to join my sister.

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