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En Chine, dans certaines provinces, il y a des gens qui aiment passionnément le combat. Pas entre eux. Ils font combattre des animaux. Combats de coqs, par exemple. Ou bien de chiens. Voire d’insectes ! J’ai entendu dire ici : « En Chine, il y a des combats de poissons. Est-ce vrai ? » Je n’en ai jamais vu, ni entendu parler. C’est possible dans l’imagination des Européens qui croient que les Chinois peuvent tout faire !

Ce que je sais, c’est qu’il y a encore des combats de grillons dans la province de Kouang-Tong. Les gens se défient avec des sommes fort importantes et le spectacle attire autant de monde qu’un match de football. Malheureusement, la piste de combat des grillons ne peut pas être disposée comme un vaste terrain de football, à cause de sa petitesse...

Le grillon, on le trouve partout en Chine, même chez soi, au pied d’un vieux mur. La difficulté, c’est qu’on doit savoir le choisir. Mais il ne manque pas de spécialistes. Ni même de marchands. Il faut garder les grillons séparément dans des pots spécialement fabriqués pour eux et qu’il convient de placer dans un endroit sombre et humide. On les nourrit de poissons, d’insectes, d’herbes et de riz. De l’eau, comme boisson.

Grillon ne naît qu’à la fin de l’été. Quand on entend qu’il crie, on sait que l’automne revient. Grillon a un autre nom : chez les Chinois, on l’appelle « Ti-Tsé », ce qui signifie « dépêcher tissage », c’est-à-dire : « l’automne vient, il faut que la femme se dépêche de tisser pour l’hiver ».

Les combats de grillons étaient très courus à l’époque Song, au neuvième siècle. Ils passionnaient toutes les classes de la société chinoise. Des gens perdaient toute leur fortune en paris. Parfois, ils se suicidaient. La saison des combats de grillons, c’est l’automne. Le règlement veut que les deux combattants soient de même poids, de même taille. Au moment du combat, les deux propriétaires examinent les combattants. Pour voir s’ils sont en forme, ils les excitent avec un fil de fer fin dont ils caressent les ailes. Si les ailes crissent, c’est qu’ils sont en forme. Sinon, on doit remettre le combat à une autre fois. Ce combat, ce n’est pas un sport comme la boxe : plus de pattes, ailes déchirées, mandibules cassées, têtes broyées — puis la mort. Quand ils se battent, ce n’est pas seulement la force qui compte : c’est aussi un art, comme le combat de l’homme. Il faut la technique, la souplesse, connaître le moment de l’attaque, la défensive. Le combat dure souvent pendant une demi-heure. C’est si passionnant et incroyable qu’on oublie qu’il s’agit d’un combat d’insectes. Les insectes ont également la sensibilité de l’homme, malgré leur toute petite taille.

Quand le combat est terminé, le vainqueur vibre en criant pour montrer son héroïsme à son maître. Celui-ci, pour pavoiser, a placé un petit drapeau rouge sur la cage. Si le vaincu est mort, son maître l’inhume à l’endroit où il l’avait trouvé. Ou dans un coin de son jardin. Il met le corps du grillon dans un tout petit cercueil en bois soigneusement laqué de rouge vif. C’est une récompense pour son héroïsme, selon le sentiment chinois.

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